Par Sarah Gaillard-Chérif (Directrice conseil Wording Factory)
17 mai 2017 Wording Factory©Tous droits réservés
« La politique, c’est un style » affirmait Emmanuel Macron lorsqu’on l’interrogeait sur son programme. Récemment élu Président de la République française, il a mené une campagne sur un ton résolument différent des autres candidats. Revenons sur le style qu’il a imposé ces derniers mois, et son évolution depuis son accession au pouvoir.
L’évolution du style Macron : de l’exubérance à la sobriété
- Les meetings
Le premier grand meeting du mouvement d’Emmanuel Macron « En marche ! » a eu lieu il y a moins d’un an, à la Maison de la Mutualité.
Assurément à l’aise, mais encore un peu brouillon, Macron affichait un style « à l’américaine », sans pupitre, parcourant la scène de part et d’autre. Il n’hésite pas à tourner le dos au public pour s’adresser à ses disciples, et incarne cet esprit de renouveau qu’il promeut dans un discours à la Steve Jobs.
Plus tard, Emmanuel Macron s’illustre par ses envolées lyriques qui lui font hausser le ton et perdre sa voix lorsqu’il s’emporte. Son désormais célèbre « PARCE QUE C EST NOTRE PROJEEEEEET ! » est devenu inoubliable pour tous les Français. Un épisode marquant qui a pu donner une image de jeune homme immature, qui ne se connaît pas assez bien. Quelques semaines plus tard, lors d’un meeting à La Réunion, il improvise totalement et fait monter sur scène des participants qui tentaient de l’invectiver depuis le fond de la salle. Mais à mesure que les élections approchent, le style de Macron devient de plus en plus sobre, pour atteindre une complète austérité lors du discours suivant son élection au second tour.
Les discours
D’après la vidéo ci-dessus, Emmanuel Macron s’est montré extrêmement grave lors de son allocution. Avait-il retenu les leçons du premier tour, pendant lequel son style décontracté et victorieux avait déplu ?
Alors que Macron candidat nous avait habitués aux montées en décibels et à une certaine liberté de ton (ses équipes ont appris à leurs dépens qu’il ne s’en tenait jamais au timing donné), c’est un nouveau Président monocorde, au regard fixe et lisant un prompteur qui a pris la parole le soir de son élection. Son visage affichait une expression neutre et tout son corps était immobile, tendu.
Dans le contenu de son discours, la leçon a aussi été retenue : pas d’exubérance ni de triomphalisme. « Aimons la France, je vais avec humilité, avec dévouement, avec détermination, la servir en votre nom ». C’est le terme « d’humilité » qu’il faudra retenir pour cette prise de parole. Loin de l’expression victorieuse et des hommages à son épouse, le nouveau président de la République a reconnu sa «responsabilité [qui] sera d’apaiser les peurs, de nous faire renouer avec l’optimisme ».
- Le cadre
L’évolution du style Macron a donc connu un tournant majeur durant l’entre-deux tours. En témoignent les ambiances radicalement différentes entre la scène de liesse de la Porte de Versailles et son apparition depuis son QG sur un simple fond bleu. Sur son pupitre, la mention « Macron président » a été remplacée par un message plus rassembleur : «Ensemble la France !».
- L’apparence physique
Dans son apparence physique, Emmanuel Macron avait adopté durant sa campagne un style jeune avec des costumes slim, d’un bleu soutenu et des cravates fines. Mais, au soir de son élection, il est revenu au noir, couleur protocolaire qui est de mise pour les présidents en fonction et les anciens de l’Elysée. Oubliées également les tentatives de barbe de trois jours du temps du conseil des ministres, alors qu’il faisait figure de jeune outsider du gouvernement.
L’arrivée au Carrousel du Louvre : la construction d’un mythe
- La mise en scène de la gravité
Après une allocution depuis son QG, Emmanuel Macron a donné rendez-vous à ses supporters sur l’esplanade du Louvre, le soir du second tour. Alors que tout le monde l’attend, c’est « L’hymne à la joie » de Beethoven qui retentit, en hommage à l’Union Européenne. Sous les caméras du monde entier, le nouveau président de la République française s’est avancé lors d’une longue marche dans la pénombre. Cette mise en scène avait été bien préparée à l’avance par ses conseillers en communication, afin de renforcer le caractère solennel de la situation.
- Un lieu ni de droite, ni de gauche
Il n’a pas été aisé pour les équipes d’Emmanuel Macron de trouver un lieu de rassemblement qui ne soit pas déjà marqué politiquement, tout en ayant une forte charge symbolique. La place de la Bastille avait vu la consécration de François Hollande, la place de la Concorde est traditionnellement connotée à droite. En choisissant le Louvre, l’un des plus grands monuments historiques de Paris, le nouveau Président a choisi de se démarquer de ses prédécesseurs.
- Réunir la tradition et la modernité
Impossible de ne pas voir, sur les images du 7 mai 2017, la pyramide de verre trônant au centre de l’esplanade. Réalisée en 1989 à l’initiative de François Mitterrand, celle-ci avait fait polémique de par sa modernité, dans un lieu tant chargé d’histoire. Aujourd’hui incontournable, la pyramide du Louvre permet à Emmanuel Macron de faire sa première référence à François Mitterrand, tout en incarnant une dynamique qui lui tient à cœur : créer du renouveau tout en restant attaché à nos racines.
- Les symboles présidentiels
Le Louvre était l’ancienne demeure des rois de France : une occasion pour le nouveau Président de sacraliser la fonction, alors que la Ve République connaît une crise sans pareil. Pour rassembler un électorat très divisé, il a recours à des symboles rassembleurs : l’Hymne à la joie, le patrimoine historique Français…
Autre référence à François Mitterrand : sa longue marche solitaire, qui rappelle celle de l’ancien président lors de son investiture en 1981, devant le Panthéon.
Crédits photo :
GQ
Le Figaro
20 minutes
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.