Je fais partie des premières promotions des pharmaciens spécialistes en pharmacie hospitalière et industrielle et le jour ou j’ai décidé de rejoindre la carrière hospitalo-universitaire, j’étais tellement fière de pouvoir mettre à profit mon expérience et ma formation pour une mise à niveau du service de la pharmacie du CHU Habib Bourguiba de Sfax. Sachant qu’après le concours de résidanat, j’ai obtenu une bourse de l’état pour être formée dans les hôpitaux français vu que la spécialité venait d’être créée en Tunisie.
Après le départ à la retraite de l’ancien chef de service de la pharmacie, j’ai pris le relais en tant qu’intérim début 2015, avant la parution de ma nomination officielle en 2016. Dès lors, je me suis retrouvée confrontée à plusieurs problèmes, parmi lesquels :
- Une main mise des syndicalistes sur l’achat des médicaments hors nomenclature auprès d’une officine privée pour le personnel de l’hôpital
- Des conflits d’intérêt et un manque de transparence dans la procédure d’achat des dispositifs médicaux
- une unité pharmaceutique créée 2 mois avant ma prise de fonction, au sein du bloc opératoire, hors contrôle, pour satisfaire les caprices du chef de service d’anesthésie-réanimation
- une insécurité du circuit médicaments à l’hôpital
Des décisions ont été prises et mises en application suite à une inspection ministérielle faite en 2015, ce qui a déclenché le cauchemar quotidien des attaques, des menaces et des agressions que j’ai subies de la part de certains syndicalistes et des harcèlements et attaques de la part de chefs de services qui ont vu leurs intérêts touchés.
Avec la mise en place de l’informatisation du circuit des médicaments et de la Dispensation journalière individuelle et nominative (programme DJIN), on a pu sécuriser le circuit des médicaments et réduire les dépenses de 30% ; cette action a été accompagnée de visites pharmaceutiques dans les services ayant constaté des stockages énormes avec des risques de péremption et de fuites . Ces contrôles ont déclenché la colère de certains chefs de services allant jusqu’à me proférer des insultes et des plaintes par écrit à mon encontre. Le chef de service d’ anesthésie réanimation m’a traitée de sauvage et barbare pour avoir osé faire mon travail et appliquer les recommandations du rapport d’inspection. Ce même chef de service protégé par ses collègues et par le syndicat des médecins hospitalo-universitaire, s’est opposé à toute tentative de mise en place de traçabilité dans l’unité du bloc prenant les malades en otage, en arrêtant l’activité du bloc de temps à autre en signe de protestation. Le chef de service d’urologie m’accusait de mettre en danger la vie des patients sous prétexte d’économie de santé. Les responsables du ministère ainsi que les directeurs régionaux laissaient faire cette souffrance quotidienne soit par corporatisme aveugle soit par complaisance puisque l’objectif ultime était que je finisse par lâcher et partir.
N’ayant pas pu me faire partir, malgré les menaces et harcèlements, les coups de fil à toute heure, nuit et jour, j’ai eu droit à un changement de stratégie en 2017, de la part du syndicat, par le blocage total du service quand plus de 80% du personnel a arrêté le travail pendant 2 mois. Grace à la volonté des pharmaciens, des résidents, des internes et du peu de préparateurs qui sont restés, cette grève illégitime n’a pas empêché la dispensation des médicaments aux patients. La visite du ministre de la santé, en fin décembre 2017, a permis leur retour, mais aucune mesure disciplinaire n’a été prise. Ce personnel est donc retourné en toute impunité au service avec comme objectif un sabotage interne du travail. En effet, ils avaient décidé de livrer les médicaments et dispositifs médicaux sans saisie sur le logiciel ce qui empêchait tout suivi des stocks et mettait en danger leur sécurité. Je n’ai cessé d’alerter sur ce problème en adressant plusieurs courriers aux responsables, mais rien n’a été fait. Le sabotage et la paralysie du service continuaient avec la complaisance des responsables régionaux et centraux. Des inspections ont été envoyées en 2017 et 2018, par le ministère pour constater la situation mais aucun rapport ne m’a été transmis. Le personnel était devenu ingérable sous la protection de l’UGTT, allant jusqu’à m’insulter en public quand je leur demandais de faire leur travail. Dernier incident ayant déclenché mon départ, survenu le 13 juillet 2018, provenait d’une infirmière avec des précédents et ayant fait l’objet de plusieurs rapports de ma part sans suite, le message qui m’a été transmis de la part du ministère à travers le président du comité médical est « il était plus simple de me faire partir que de sanctionner n’importe quel agent » …. J’ai décidé alors de quitter l’hôpital et de demander ma mutation avant qu’on m’agresse physiquement ou qu’on me colle de fausses accusations.
A ma grande déception, ma mutation a été rapidement acceptée par le ministre, sans même l’avis du doyen de la faculté de pharmacie ou sans chercher à m’écouter en direct, vu que toutes ces raisons ayant provoqué mon départ ont été transmises dans ma lettre de mutation et étaient surtout dans l’intérêt du patient et des dépenses publiques.
Signée par Emna ZRIBI