Par Zouhair BEN JEMAA
Que diriez-vous d’un passager qui met vingt deux minutes pour enregistrer ses bagages et obtenir sa carte d’embarquement ? Oui, je vous le confirme, je l’ai vécu et j’ai trois témoins respectables qui pourraient confirmer leur souffrance de la médiocrité du personnel au sol de notre compagnie nationale, comme des centaines de citoyens. J’ai essayé de me plaindre avec tous les égards à un premier responsable, il m’a dit que les deux filles du comptoir étaient des stagiaires, et qu’il leur fallait du temps pour apprendre ! Mais monsieur, elles ne devraient pas être encadrées par des confirmés, lui dis-je ? Non monsieur, c’est comme ça, et de toute façon, le pays est foutu, rien ne changera, me répondit le responsable qui s’est mis plus loin à un comptoir vide.
Une attente de plus d’une heure et demie pour avoir enfin mon tour, c’est-à-dire après six passagers qui me devançaient. Je garde mon sang froid parce que j’avais à enregistrer un enfant. Un ancien patron de l’aviation civile était derrière moi et avait aussi un enfant à enregistrer. La fille du comptoir, me demande d’aller au comptoir à côté car elle ne savait pas comment enregistrer des enfants non accompagnés. Alors je m’exécute sans rechigner croyant que j’allais être sauvé par la compétente d’à côté. Première déception, on m’assomme de payer un supplément pour enfant non accompagné, alors j’insiste que tout était payé d’avance à Paris, rien à faire. J’appelle la maman de l’enfant à Paris, qui insiste qu’il n’y avait rien à payer. Alors la fille s’énerve et me demande de retourner à mon comptoir initial, sauf que celui là était déjà pris par la queue qui était derrière moi. Je demande où je devais payer, j’eus droit à un geste de la main sans même un regard, allez à l’agence là-bas.
Le monsieur derrière moi se mit en colère, il rappela à la jeune adolescente en stage que son comportement était honteux, que Tunis Air n’était pas comme ça avant la révolution, que ce manque de respect et cette incompétence n’étaient pas acceptables. Je me mis à mon tour à m’exprimer pour dire combien ce je-m’en-foutisme était généralisé, que les passagers étaient traités comme moins que rien, et que cela était insupportable ! Là une dame responsable se joint à la foule, elle a compris que ça allait dégénérer, alors elle m’invita à un comptoir vide, elle prit mes documents et ceux du monsieur qui était derrière moi, et en un tour de main, tout fut réglé, et sans le moindre supplément évidemment ! Alors, je demandai à la dame pourquoi ce service impeccable ne fut pas fourni dès l’arrivée ? Et quelle ne fut ma consternation quand la dame me dit avec beaucoup d’assurance que le pays était foutu et que rien ni personne ne pourra changer quoi que ce soit !
Voici une histoire tristement banale qui évoque plus d’une question. Pourquoi Tunis Air engage des stagiaires et les livre à eux-mêmes sans le moindre encadrement alors qu’on parle de milliers de postes à supprimer pour rentabiliser la compagnie ? Pourquoi l’UGTT que l’on voudrait voir dans son vrai rôle de défenseuse des droits des faibles et non des suceurs de sang ? Pourquoi les prétendus ministres et autres secrétaires d’Etat ne vont pas une seule fois à l’aéroport pour constater de visu l’image lamentable que nous montrons aux touristes qui visitent notre pays ? Pourquoi les milliers de cadres de Tunis Air ne se ressaisissent pas un beau matin avec un élan patriotique et citoyen, pour se dévouer à améliorer tout ce qui ne va pas dans leur compagnie, d’ailleurs l’UGTT pourrait être l’initiatrice de cette action citoyenne et patriote ? Il n y a que comme cela que l’on pourrait sauver ce pays qui a enterré la culture du travail, qui ne cesse de demander encore plus de revenu et plus d’avantages sans rien donner en contrepartie. Nous sommes à la traîne dans beaucoup de domaines, notre capital humain dépasse nos besoins malgré l’exode quotidien de nos cerveaux, mais ce serait sans compter sur les égoïstes, les aigris, les incompétents qui s’accrochent à leurs chaises comme des moules à leurs rochers, sans oublier bien sûr les contrebandiers, les corrompus et les hypocrites ! Seule une révolution d’un genre nouveau pourrait sortir notre pays des ténèbres vers les lumières ! Les jeunes sont les premiers responsables de ce qui leurs arrivera si rien n’était fait d’ici là ! Espérons que le remaniement qui se concocte à la Casbah tienne compte de la seule compétence, du seul patriotisme, et de la seule intégrité !