Georges Clémenceau disait que le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais citoyens ne le soient pas ! J’ajouterai que le député a pour rôle principal de voter les bonnes lois et de contrôler l’action du gouvernement, aussi, pour participer aux débats, que ce soit en commissions ou en séances publiques ! Evidemment, le même député est supposé maitriser les sujets qu’il traite, il est supposé représenter les citoyens qui lui ont fait confiance en le mandatant pour servir la Patrie en son âme et conscience ! Aujourd’hui, nous sommes attristés de constater que seule une minorité de députés respectent l’éthique patriote, pendant que la plupart esquintent la république, s’engraissent sans la moindre gêne, et s’amnistient entre eux avec arrogance et mépris de ceux qui les ont hissés si haut. Ces députés qui ferment les yeux sur les emplois fictifs, sur la corruption, sur la maladie, sur l’exclusion, qui touchent des pots-de-vin, tous ces députés trahissent leurs promesses, leur mandat et la Patrie avec !
Escamoter cette triste réalité, pour préserver un modèle qui a échoué et qui perdure dans l’échec depuis huit longues années, serait ridicule et grave pour la démocratie. Le spectacle déplorable que nous jouent certains députés véreux par leur absence répétée, leur manque de respect envers les citoyens qui les ont élus, par leur tourisme parlementaire, par leur manque d’éducation, par leur ignorance flagrante des sujets qu’ils traitent, et la liste est longue ! Ces irresponsables attisent la colère et le désespoir du peuple et le poussent à se tourner vers des partis extrémistes qui lui promettent d’en finir avec cette situation. Le plus triste, c’est que ces députés sans foi ni loi dégoûtent les citoyens et les éloignent carrément du processus électoral. Car la question du jour est : aller voter pour quoi au juste ? Et puis la campagne qui s’annonce ne semble pas poindre une véritable réflexion collective sur le devenir de notre pays blessé, saigné et malmené de l’intérieur et de l’extérieur. Chaque clan évoque la lèpre en regardant très fort dans la direction de la partie adverse.
La farce jouée ces jours-ci par les acteurs de la politique vient tout droit des sauces déjà tournées et réchauffées. La seule préoccupation des Tunisiens est le sauvetage de la nation et le retour à la reconstruction. Comment faire en sorte que les citoyens se rassemblent autour d’un objectif, un programme raisonnable sans exclusion, et non autour d’un homme ou d’une bande d’hypocrites incompétents ? Si nous ne réalisons pas que seul le bulletin de vote pourrait changer concrètement notre vie, alors il faudra oublier les rêves et replonger dans les cauchemars. Il faut passer du vote protestataire à celui de l’adhésion. Certains élus suscitent une surenchère communautaire et religieuse, et pourrissent l’ambiance générale des citoyens de bonne volonté. La première vertu de l’homme civilisé est son amour pour sa Patrie, Et dans notre situation difficile du moment, civilité et patriotisme devraient se traduire par l’inscription urgente dans le processus électoral. Le devoir de tout citoyen est d’adhérer à un projet de société dans laquelle les plus faibles sont protégés et le travail est récompensé, et dans laquelle les individus pleinement émancipés peuvent déployer leurs potentialités.
En 2014, beaucoup d’hommes et surtout de femmes avaient voté pour un rassembleur qui avait promis de reconnecter le peuple avec la politique, de rétablir le prestige de l’Etat, et ce rassembleur a failli. L’humanisme que nous souhaitons ne doit pas oublier le monde où nous vivons, et c’est pourquoi celles et ceux qui vont solliciter la confiance des citoyens doivent nous exposer, dès à présent, leur business plan chiffré et détaillé, leur stratégie de réformes, leur plan d’assainissement des canards boiteux, leur philosophie de développement régional, région par région, de l’assainissement de la justice et des services sécuritaires, et last but not least, leur plan d’action pour venir à bout de la corruption à tous les niveaux de la hiérarchie. Les prétendants à la magistrature suprême doivent nous convaincre comment ils comptent rendre à l’Etat son prestige, et la république ses lettres de noblesse ! Que vaudrait une démocratie dans un état faible et gangréné par tous les cancers malins ? Charles Pasqua ne disait-il pas avec beaucoup de culot que la démocratie s’arrête là où commence la raison d’Etat ?