Chaque annonce d’un nouvel indicateur économique tombe comme un couperet et vient rajouter une couche à la déprime ambiante qui règne dans le pays depuis que les langues se sont déliées et que la gestion de l’Etat laisse à désirer. Un euphémisme. Le dernier en date, et qui fait froid dans le dos, le taux de croissance du PIB qui a atteint un niveau abyssal pour se situer autour de -21.6% au terme du premier semestre 2020.
D’aucuns diront que c’est la faute au Covid-19 et que la Tunisie n’est pas épargnée des ravages causés par cette pandémie sur l’ensemble des pays de la planète. Une thèse qui peut tenir debout. Mais la descente aux enfers de l’économie tunisienne s’est accélérée dans la foulée de la Révolution plongeant le pays dans de sinistres records que l’on n’a jamais connus depuis l’indépendance. Ce ne sont pas les 30 milliards de dollars US de dette globale (73% du PIB) ni la dette extérieure qui représente près des trois quarts de la dette publique qui vont démentir cette débâcle.
Ce n’est nullement dans notre intention de désigner, dans ces quelques lignes, les coupables ni de dépister les facteurs ayant conduit à ce fâcheux constat qui risque de s’enliser davantage si les futurs dirigeants ne feront pas prévaloir l’esprit d’à-propos dans la mise en œuvre de réformes structurelles et douloureuses.
Toutefois, nous allons essayer d’apporter notre pierre à l’édifice, loin des convenances électoralistes et palabres destinées à la consommation médiatique, dépourvues de toute substance que le citoyen abhorre à l’aune des promesses non tenues et de son désespoir qui croît au même rythme que son pouvoir d’achat s’étiole.
S’il est une doxa sur laquelle s’accordent tous les experts et qui représente le moteur de la croissance économique, c’est bien la consommation privée ou des ménages. Surtout quand il s’agit de pays aux ressources naturelles limitées dont le salut repose essentiellement sur leur aptitude à s’arrimer aux impératifs de l’économie de l’offre. La Tunisie se situe dans cette catégorie mais peine à redresser ses équilibres économiques étant donné que sa croissance n’est pas tirée par la demande intérieure eu égard à un taux d’ouverture économique qui culmine à 85% et un taux de couverture des importations par les exportations qui dépasse à peine les 25% si l’on exclut les exportations effectuées sous le régime off-shore qui sont soumises aux règles de l’admission temporaire, donc à très faible valeur ajoutée. En l’espèce, notre croissance économique dépend éminemment de la demande extérieure et reste pour le coup tributaire du volume des commandes que nos partenaires étrangers daigneront passer auprès de nos entreprises. Une arme à double tranchant.
Face à l’attitude réactionnaire qui caractérise l’action politique depuis des lustres et qui repose sur un modèle économique désuet, essentiellement fondé sur la sous-traitance, le positionnement de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales accuse un retard patent au regard de l’évolution remarquable de certains de nos concurrents directs aussi bien au niveau de la montée en gamme que dans l’infrastructure logistique. Ceci n’empêche que même le plus commun des quidams peut, un tant soit peu, contribuer à remettre la machine en selle et tonifier la fourmilière de la production en réhabilitant la valeur travail tout en préservant le droit légitime à l’action syndicale et… en privilégiant les produits locaux dans ses habitudes d’achat.
Cet acte prend tout son sens dans la mesure où les étals de nos supermarchés regorgent de produits importés variant de l’essentiel au couffin de la ménagère au superflu. En sus, nos compatriotes cultivent un goût prononcé pour le made « outside » Tunisia, une idée ancrée dans notre imaginaire collectif et qui se veut le résultat de l’héritage de l’époque du protectionnisme économique où la rareté de ces produits conjuguée à une situation bigrement monopolistique des filières de production a longtemps entretenu, à tort ou à raison, l’idée reçue que les produits de provenance étrangère sont toujours de meilleure qualité. Une manifestation patente du fameux adage : « Ce qui est rare est précieux. Ce qui est précieux est rare. »
L’heure n’est plus au raisonnement selon les paramètres du libre marché où le consommateur fait ses emplettes selon son libre arbitre, son budget et ses goûts préférentiels, il importe qu’il soit épris d’une conscience patriotique où chaque citoyen est reconnaissant envers son pays et doit le matérialiser par des actes qui paraissent anodins mais qui valent leur pesant en points de croissance.
Par-delà l’argument patriotique qui peut être mis au rebut à la faveur de la désaffection envers tout discours politique, c’est aux marketeurs qu’incombe la gageure de faire croire au citoyen que « consommer Tunisien » est aussi un choix délibéré de qualité. Pour preuve, les industriels tunisiens s’adjugent une part de marché assez respectable à l’export et principalement dans des pays développés aux normes de commercialisation les plus draconiennes et aux standards de consommation les plus exigeants. En effet, les trois quarts de nos produits se vendent en Europe, continent réputé pour son exigence en termes de fiabilité et de respect des normes de qualité. Les importateurs des pays européens s’approvisionnent en quantités substantielles de chez nous en produits de consommation et continuent à faire confiance à nos industriels, aucunement pour leurs beaux yeux, mais pour le niveau de performance qu’ils ont atteint grâce à un cumul d’expérience et un esprit d’innovation et de création qui ne se dément pas.
Par-delà l’argument patriotique qui peut être mis au rebut à la faveur de la désaffection envers tout discours politique, c’est aux marketeurs qu’incombe la gageure de faire croire au citoyen que « consommer Tunisien » est aussi un choix délibéré de qualité.
Pour preuve, les industriels tunisiens s’adjugent une part de marché assez respectable à l’export et principalement dans des pays développés aux normes de commercialisation les plus draconiennes et aux standards de consommation les plus exigeants. En effet, les trois quarts de nos produits se vendent en Europe, continent réputé pour son exigence en termes de fiabilité et de respect des normes de qualité. Les importateurs des pays européens s’approvisionnent en quantités substantielles de chez nous en produits de consommation et continuent à faire confiance à nos industriels, aucunement pour leurs beaux yeux, mais pour le niveau de performance qu’ils ont atteint grâce à un cumul d’expérience et un esprit d’innovation et de création qui ne se dément pas.
Que ce soit dans l’agroalimentaire, le textile, l’appareillage ou tout autre produit manufacturé, le made in Tunisia s’est fièrement positionné parmi les labels les plus prisés. En sillonnant les galeries marchandes les plus prestigieuses à Paris, Londres ou Milan, vous risquez de tomber à chaque coin sur une étiquette « made in Tunisia ». En faisant vos courses à Doha, Dubaï ou Djeddah, vous avez de fortes chances de remplir vos caddys par des produits frais de Tunisie. En conduisant chaque matin votre voiture de marque française, italienne ou allemande, soyez sûrs qu’elle contient plusieurs composants fabriqués dans des usines tunisiennes, par un savoir-faire tunisien.
Consommer local dénote d’une conscience patriotique sans commune mesure. C’est un acte qui est pratiqué volontairement par les peuples des nations les plus développées, particulièrement en temps de crises. Des pays beaucoup plus riches que nous, aux économies plus résilientes, mènent tambour battant, des campagnes de communication pour inciter leurs citoyens à consommer local parce que cela revêt, au-delà de sa dimension économique, une dimension sociale dans la mesure où il permet de garder les postes d’emploi, fixer les compétences, a fortiori les diplômés du supérieur et infléchir la courbe du chômage.
Une aubaine quand on parvient à concilier sa conscience patriotique avec son plaisir décomplexé de consommation.
Ba – A