Par Anis Basti
L’argentin et son club formateur semblent plus que jamais proche d’un divorce. Une affaire qui nous livre chaque jour son lot de rebondissements. Le dénouement imminent qui passionne toute la planète sera lourd de conséquences. Décryptage.
Mardi 25 août 2020, alors que toute la planète football vibre encore sous le rythme des exploits du Bayern Munich, fraîchement installé -deux jours plus tôt- sur le toit de l’Europe, une nouvelle vient de s’abattre comme un coup de tonnerre faisant les manchettes de toute la biosphère médiatique et damant le pion à la victoire bavaroise sur le Paris-Saint-Germain en Ligue des Champions. Lionel Messi, le métronome du FC Barcelone, dont personne ne soupçonnait le destin dissocié de celui du club catalan, vient de faire signifier à la direction de ce dernier, via un « Burofax », son envie d’aller voir ailleurs. La manière -par notification légale- présage d’un contentieux en perspective et dénote d’un malaise larvé dont l’humiliation subie face au Bayern en était le détonateur.
La traversée du désert en Champion’s League
L’histoire entre la coupe aux grandes oreilles et le Barça n’a pas été tendre avec les Blaugrana depuis leur dernier titre conquis en 2015. Cinq longues années que les coéquipiers de Messi lui courent après. Une éternité. Et à chaque fois, ils sont éliminés en essuyant des scores sans appel. Juventus, Roma, Liverpool et dernièrement le Bayern, sont les bourreaux d’un Barça qui a perdu au fil des années son lustre et n’est plus l’ogre tant redouté par les écuries européennes. Et comme si cela ne suffisait pas à son malheur, c’est le grand rival, le Real Madrid, qui a incontestablement dominé la compétition phare à trois reprises consécutives (2016, 2017 et 2018). La déculottée face au Bayern était la goutte qui a fait déborder le vase et résonne comme l’estocade qui vient définitivement sceller l’impuissance du Barça à reconquérir le Graal. Faut-il se rendre à l’évidence que le Barça de Messi n’est pas le Sphynx qui renaîtra de ses cendres. Car l’œuvre de Guardiola dont il avait écrit l’une des plus belles partitions de jeu de l’histoire et qui a enchanté la planète football, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les départs progressifs de Xavi en 2015 puis celui d’Iniesta, trois ans plus tard, ont sonné le glas de la génération dorée et toutes les tentatives entreprises par l’administration Bartomeu pour ressusciter l’identité de jeu typique du Barça autour du virtuose argentin, se sont soldées par des échecs retentissants à l’exception de 2015, année où le club catalan fut sacré champion d’Europe lorsqu’il comptait la star brésilienne Neymar dans ses rangs. Toutefois, le Barça avait imposé son règne sur LaLiga en étant sacré champion d’Espagne quatre fois en cinq ans, de 2015 à 2019, marquant le pas seulement en 2017. Cette situation paradoxale a été intenable pour le club et surtout pour la Pulga (la puce), sobriquet attribué à la star argentine, qui l’a mal vécue malgré une salve de récompenses individuelles (Ballons d’Or, Souliers d’Or, Pichichi). Un club de la trempe du Barça ne peut vivre longtemps sans distinction continentale.
Visiblement pas fan de Koeman
Pourtant les signes de cette impossible renaissance étaient tangibles et attestés par de nombreux spécialistes du ballon rond, et Messi n’était que l’arbre qui cachait la forêt. Ses numéros de soliste, ses avalanches de buts et ses chevauchées déroutantes dans les défenses adverses ne furent qu’un fard qui a masqué les lacunes techniques et les mauvais castings opérés par une direction plus que jamais contestée. Ce faisant, un malaise s’installe jusqu’à dans le vestiaire et des conflits latents s’ourdissaient dans les coulisses du club. Au-delà de cette cuisante défaite contre le Bayern, l’acte qui a scellé le point de rupture entre Messi et son club de toujours est la nomination de Ronald Koeman comme nouveau coach. L’administration Blaugrana a confié les rênes de l’équipe au technicien batave en lui accordant carte blanche pour mener de grandes réformes aussi bien au niveau du style de jeu que de la revue de l’effectif. C’est pour la première fois depuis qu’il éclabousse la planète football par son talent que la direction du Barça a coupé l’herbe sous le pied du natif de Rosario. Messi faisait la pluie et le beau temps en Catalogne. Aucune décision stratégique ne se prenait sans son aval. Aucun recrutement ou révocation de l’entraîneur ne se réalisait si Messi posait son veto. Il était au-dessus de tout le monde. Un demi-Dieu qu’on ne contestait jamais, à qui on pardonnait tout et qu’on vénérait à l’aune de ses exploits homériques. C’est vrai que cela a été aidé par la nature discrète et austère du joueur, peu friand des saillies médiatiques, aux antipodes d’anciennes gloires du club à l’instar de Ronaldinho et Neymar qui cultivaient un goût prononcé pour les fêtes nocturnes. De prime abord, Messi ne porte pas Koeman dans son cœur. Le coup de fil passé par ce dernier à Luis Suarez, meilleur copain de l’argentin, pour lui faire signifier qu’il ne fait pas partie de ses plans, a enfoncé le clou. Ce geste peu révérencieux envers le troisième meilleur buteur de l’histoire du Barça, a été ressenti comme un crime de lèse-majesté par Messi qui ne concevait pas sa mise à l’écart dans les choix stratégiques, a fortiori quand ça touche à un de ses protégés.
Le moment charnière pour un nouveau challenge
Les relations tendues avec les dirigeants du club et les susceptibilités du pouvoir n’expliquent pas à elles-seules les velléités de départ de la Pulga. En effet, le facteur sportif peut bien s’inviter à cette affaire. À 33 ans, Messi s’apprête à entamer la dernière ligne droite de sa faste carrière. Il ne lui reste plus que quelques années pour continuer à briller au plus haut niveau. Ce qu’on lui a toujours reproché par rapport à son grand rival Cristiano Ronaldo, c’est que le portugais est un meilleur compétiteur qui affectionne les défis puisqu’il a fait ses preuves dans les trois plus grandes Ligues européennes, à savoir l’Angleterre, l’Espagne et maintenant l’Italie. Tandis que Messi n’a connu qu’un seul club dans sa carrière, et ce pendant vingt longues années. Une zone de confort qui pourrait lui porter préjudice à l’heure des bilans de carrières dans le duel qui l’oppose au portugais pour le titre de meilleur footballeur de tous les temps. Messi veut mettre à contribution son talent au profit d’une autre équipe en guise de dernier challenge avant de tirer sa révérence. Mais pas dans n’importe quelle équipe. Celle qui peut lui offrir un challenge à la mesure de son immense talent et surtout satisfaire ses émoluments stratosphériques (Messi gagne 71 millions d’euros bruts au Barça, il est le footballeur le mieux payé du monde). Ils ne sont qu’une poignée de clubs à pouvoir le faire. Mais il semblerait que l’argentin ait déjà fait son choix. Il sera vraisemblablement, sauf coup de théâtre, Citizen la saison prochaine. Un club aux ambitions démesurées depuis qu’il a basculé dans l’escarcelle du prince d’Abu Dhabi. Un championnat spectaculaire, la Premier League, à la valeur marchande la plus élevée dans le monde. Un niveau d’adversité relevé. D’autres prétendants peuvent rivaliser sans sourciller avec Manchester City. Paris Saint-Germain, Manchester United, Inter Milan ou Juventus se sont tous renseignés auprès de l’entourage du joueur et exprimé leurs dispositions à dérouler le tapis rouge pour l’astre argentin. Mais l’élément qui ferait sans doute pencher la balance en faveur de City, c’est Guardiola. L’idée de voir le duo se reformer à nouveau donne déjà des frissons. La présence du coach catalan serait très déterminante dans le choix de Messi. Les deux hommes s’apprécient et se respectent mutuellement. De nature timide et réservé, Messi a besoin d’un relais, d’un point d’attache humain et affectif pour se sentir dans son élément. Lui-même et son entourage nourrissent la crainte que cette aventure ne tourne au vinaigre, car ce qui pourrait faire échouer un sextuple Ballon d’Or dans sa nouvelle et probablement dernière grande étape de sa carrière, ce n’est certainement pas une déficience de talent, ni un manque de compétitivité au plus haut niveau, mais son aptitude à s’acclimater à un nouvel environnement totalement différent du sien. Supportera-t-il la grisaille de Manchester pour quelqu’un qui s’est habitué aux journées ensoleillées de Barcelone ? S’adaptera-t-il à un nouveau statut où il débarquera dans une équipe sommée de tout gagner avec lui ? Pourra-t-il exprimer son talent dans le style de jeu British ? Il y a de quoi nourrir le scepticisme car le risque de ne plus retrouver le Messi flamboyant de la terrible équipe du Barça est prégnant comme lorsqu’on retire un poisson de son milieu aquatique. Il dépérira.
A l’heure où l’on rédige ce texte, le joueur semble camper sur ses positions et sa décision de quitter la Catalogne est irrévocable. Mais au vu des rebondissements que cette affaire nous réserve à chaque minute, les fans de foot de tous bords retiennent leur souffle et attendent de pied ferme le verdict qui, quel que soit son issue, fera jaser aux quatre coins de la planète. Un bon scénario pour un deuxième tome du film : » les histoires d’amour finissent mal… en général. »