Par Zouhair BEN JEMAA
Monsieur le Président de la République n’a pas encore jugé utile de recevoir les représentants du secteur touristique, peut-être que ses conseillers ne l’ont pas informé de l’importance de ce secteur qui espère réaliser au bas mot huit mille milliards pour la saison qui va bientôt commencer !
Monsieur le gouverneur de la banque centrale ne connaît-il pas la réalité de ce secteur en crise depuis plus de vingt ans ? Et ne devrait-il pas présenter au Président de la République un rapport détaillé des problèmes épineux qui menacent ce secteur agonisant et qui fût jadis le fleuron de l’économie tunisienne ?
Gageons que notre Président ne connaît pas le nombre d’hôtels fermés et qui ne pourront jamais ouvrir sans un budget conséquent, qu’il ne connaît pas le nombre d’emplois perdus dans le secteur de l’hôtellerie et celui des agences de voyages. Les professionnels du tourisme qui sont les grands absents du débat ambiant fixent le ciel pour espérer une solution miraculeuse. Par quoi commencer, par les dettes cramées des établissements touristiques auprès des banques, par la vétusté des équipements, par la formation professionnelle salutaire pour être dignes de recevoir des touristes, par les dettes auprès de la CNSS, la STEG et la SONEDE, par l’absence totale de fond de roulement pour assurer les achats quotidiens, par les chantiers arrêtés depuis plus de dix ans et qui occupent des terrains stratégiques comme la plage de BOUJAAFAR ? Et la liste est longue. Faut-il le rappeler, ce sont les attentats barbares perpétrés par les fanatiques qui nous ont été amenés par les aigris des troïkas successives, et les crises sanitaires qui ont achevé les professionnels du tourisme, et leurs ont ôté toute capacité d’action.
Aucune aide ne leur a été accordée malgré les promesses des politiques incompétents des dix dernières années. Il faut juste signaler aux partisans du statu quo qui n’ont pas le courage d’affronter le sujet, que pendant que le temps passe, on perd des emplois, on perd des points de croissance, on recule en image auprès des marchés émetteurs, on s’enfonce dans le sous-développement, et on plombe l’avenir de tout un pays. Il faut également signaler à ces responsables hésitants que les hommes passent et s’en vont, mais que leurs réalisations restent pour l’éternité pour le pays, aucun des bâtisseurs du tourisme n’a pris son hôtel ou son bus avec lui dans sa tombe !
Nous vivons un état d’exception, et le tourisme est le secteur le plus facile à soigner si seulement il y avait une volonté politique. Il y a eu un travail gigantesque qui a enfanté le fameux livre blanc dans lequel de vraies solutions ont été proposées mais jamais appliquées. Comme pour la santé, les études et les bonnes propositions sommeillent dans les placards sous un tas de poussière ! L’UGTT gagnerait beaucoup à s’investir aux côtés des professionnels du tourisme pour trouver des solutions et signer un pacte de paix sociale pendant au moins trois années pour motiver les salariés et les associer au redressement du secteur si vital pour l’avenir de tous. Cette semaine un salarié a réussi à saisir un groupe frigorifique d’un hôtel pour le vendre et se faire payer ses salaires que son employeur ne niait pas, mais sa trésorerie était déficitaire pour honorer le règlement. Des monuments hôteliers qui jouissaient d’une réputation internationale sont laissés en friche et ne peuvent plus relever la tête sans un investissement qui paraîtrait dérisoire quand on regarde la valeur immobilière de l’établissement, ces investissements sont indispensables, sinon rien comme dirait l’autre !
Certes il y a eu, il y a et il y aura toujours des brebis galeuses, des fraudeurs et des fainéants, mais il ne faut pas pour autant condamner tout un secteur, et tout un pays sans mesurer les conséquences désastreuses de cette négligence. Monsieur le gouverneur de la banque centrale n’avait pas tort de se demander où était passé le chiffre d’affaires du tourisme, comme dans d’autres secteurs, il y a encore la mentalité de la fraude, il faut juste sévir et non permettre à un hôtelier d’encaisser le règlement de ses groupes russes en dinars tunisiens. Il suffisait d’exiger que tous les contrats soient signés en devises étrangère.
En 2002, l’euro était à 1,220 dt, en 2020, il était à 3,300 dt. Et pendant toute cette période, nos contrats étaient signés en dt. En face de cette aberration, les coûts des investissements et ceux des matières ont flambé.
La banque centrale, peut bien exiger des professionnels de signer leurs contrats en dt à taux préétabli ! Notre secteur touristique représente une niche trop importante de création d’emplois et de procuration de devises pour qu’on le néglige et qu’on lui tourne le dos !
On dit que la richesse donne des jambes aux boiteux, et dans beaucoup de domaines, l’Etat gagnerait à donner des moyens à tous les boiteux qui pourraient ainsi retrouver une santé morale pour marcher plus vite et participer plus à l’effort national. Tous les chantiers du tourisme, comme la commercialisation, la diversification du produit, la formation professionnelle, l’environnement, ne pourraient aboutir sans la mise à jour des installations hôtelières et touristiques et l’assainissement de leurs finances. Laisser aller sans réagir, équivaut à être lâche et incompétent. Cela ne doit pas empêcher l’administration d’appliquer la loi à l’encontre de tous les fraudeurs ! Last but not least, ce qui nous manque drastiquement c’est la culture du travail. Au lieu d’être obsédés par les nouveaux prêts à trouver, on ferait mieux de travailler mieux nos sols, d’en extraire les richesses, de booster nos ressources, de récupérer les milliers de milliards volés par les mafieux, et quand la machine se remettra à tourner à plein gaz, nous pourrions emprunter à volonté, non plus pour consommer comme c’est actuellement le cas, mais plutôt pour investir plus et produire plus !