Mère célibataire suite à un viol, la maman de Yakouta nous entraîne dans son univers : elle nous prend par le bras et nous mène dans les méandres d’une société hostile à la liberté de la femme.
Encore une fois, Leila Toubel met en scène la souffrance de la femme dans un environnement hostile, sexiste, machiste, rétrograde et énergivore.
Une performance artistique de haut vol où, durant 90 minutes, l’actrice joue, raconte, bouge, interpelle, accuse. Elle remplit la scène de son corps frêle. Elle prend pour témoin son public à qui elle dévoile ses malheurs sans peur ni tabous. Elle lui raconte sa vie, son parcours, son viol, son accouchement, sa solitude, la violence de son mari, son emprisonnement, sa soumission…
Une femme dont le corps a été volé et qui essaye de se le réapproprier. Leila Toubel n’a pas peur de dire les choses crûment. Elle veut choquer pour déstabiliser son auditoire. La cause des femmes est une bataille continue. Elle veut faire prendre conscience que toute emprise sur la femme l’empêche de se révolter contre l’abus qu’elle subit, la rend obéissante et quelque fois fois l’incite à protéger son agresseur subissant le syndrome de Stockholm.
Le rendez-vous avec Yakouta devient un rendez-vous amoureux entre une mère et sa fille, entre un présent et un passé, entre une douleur et sa guérison. Un rendez-vous pour construire un avenir meilleur bâti sur l’amour ; car pour revenir à la vie il faut dépasser ses vieux démons. Parce que finalement, ce que Leila Toubel nous offre à voir c’est un retour à la vie, une vie pleine qui serait pleine de couleurs comme tous ses foulards qu’elle fait virevolter dans le ciel. Les foulards qui symbolisent la légèreté retrouvée.
Le monodrame de Leila Toubel est une véritable catharsis telle que définie par Aristote dans sa Poétique.
Après Houriya, après Solwen, l’auteure clôture sa trilogie par Yakouta où le sujet de la femme est obsessionnel dans l’écriture théâtrale qui se veut triangulaire entre le langage, le sujet et le corps. Aucun silence. Aucun répit. Même quand le personnage ne parle pas, la musique de Mehdi Trabelsi prend le relais pour accompagner le texte et le corps.
Leila Toubel joue entre l’histoire de Yakouta et l’histoire de la Tunisie avec des références à l’actualité ce qui place son monodrame dans un contexte spacio-temporel bien précis. L’angoisse ressentie tout au long de la pièce disparaît avec le mot de la fin: la parole de l’espoir qui permet la reconstruction de l’être voire du pays.