12 ans après le départ de Ben Ali, le pays se cherche encore.
Les appels à manifester et à descendre dans la rue n’avaient aucune ambiance festive.
Tous ceux qui étaient à l’avenue Habib Bourguiba -que certains s’entêtent à renommer l’avenue de la révolution- levaient des slogans hostiles au président Kais Saied.
C’est l’opposition au parcours du président et à son programme qui était présente dans la rue.
Les partisans d’Ennahdha and Co semblent s’être trompés de timing; leurs slogans étaient carrément anachroniques. Ils voulaient faire le parallèle avec janvier 2011 et son fameux Dégage pour faire de Kais Saied un nouveau Ben Ali. Mais leur stratégie n’a pas pris. A remarquer, l’absence des leaders du parti islamiste qui ont cédé la place à des personnalités connues pour leur versatilité.
Le Quintet réuni devant le théâtre municipal a bien remarqué qu’il ne pouvait compter que sur leur présence dans les médias. Parce qu’il n’y avait pas foule à leurs côtés.
Les partis réunis autour du collectif Soumoud n’ont pas fait mieux. Quelques dizaines de personnes présentes à l’avenue Habib Bourguiba pour dire leur refus du processus de Kais Saied.
Abir Moussi et le PDL n’ont pas fait mieux. Ceux qui la suivent quotidiennement lors de ses lives sur Facebook n’ont pas répondu à son appel. Elle a joué une carte qu’elle a perdu.
La société civile a marqué sa présence aussi devant le syndicat des journalistes mais la voix était très timide. L’UGTT s’est contenté d’une réunion dans un hôtel mais Noureddine Taboubi ne s’est pas empêché, encore une fois, de lancer de nouvelles menaces au pouvoir en place.
Tout ceci ne doit pas donner satisfaction à Kais Saied et ses partisans. Les Tunisiens n’ont pas fêté le 14 janvier mais ne se sont pas non plus rendu aux urnes le 17 décembre.
A un moment donné il va falloir tirer les bonnes conclusions et faire une lecture objective des faits. D’abord il faut relever un point positif: cette journée de colère a montré une société qui bouge, qui vit, qui crie, qui manifeste, qui critique. Il n’y a eu aucun débordement, aucune bévue.
Le Tunisien est capable de manifester calmement et en a tous les droits d’ailleurs. Personne ne peut aujourd’hui lui ôter des libertés acquises au prix du sang.
Par ailleurs, tous ceux qui veulent expliquer aujourd’hui ce qui s’est passé en Tunisie uniquement par les desirata et les décisions américaines réduisent les tunisiens à de simples marionnettes. Certes il y le gendarme du monde qui veut mener la politique garantissant ses intérêts, mais il y a également les appels des peuples à plus de libertés, plus de justice, plus d’égalité. Le peuple tunisien qui n’aura connu en 54 ans que deux présidents voulait lui aussi accéder à la démocratie.
Aujourd’hui il va falloir avancer. Pour construire une nouvelle Tunisie.
Est-ce que l’initiative de la société civile ( l’UGTT, le Conseil de l’Ordre des avocats, la Ligue des droits de l’Homme, le Forum social et démocratique) pourrait aboutir à quelque chose ? Est-ce que le président y sera réceptif? Est-ce que ça pourrait changer la donne?
Toutefois, avons-nous seulement pensé à la situation économique?Avons-nous réfléchi aux réformes essentielles pour changer le modèle économique? Avons-nous conscience de l’urgence de changer certaines lois qui bloquent toute forme de développement?
Combattre la corruption n’est pas suffisant. Il faut une transformation drastique de certains secteurs qui feront changer toute la société.
La Tunisie est en pleine mutation exactement comme l’est le monde entier. Le seul souci pour nous est cette absence de culture politique et cette autoflagellation chronique.
Il y a urgence à se ressaisir. Et à installer des règles du jeu qui émanent des tunisiens eux-mêmes.
Il est grand temps pour nous de sortir de la tutelle des forces étrangères qui veulent imposer leur vision du monde et par là même leur domination, tout en respectant les relations entre États.
Tant que certains partis sont financés par l’étranger, tant que la situation restera difficile. L’argent, encore une fois, le nerf de la guerre !